Guillaume Prieur est le directeur des affaires institutionnelles et européennes pour la SACD [1]. Celui-ci, dans une tribune sur son blog, juge des similitudes entre le Front National et le Parti Pirate. Son argument : le FN et le Parti Pirate défendent tout deux des thématiques communes. Pire, il estime que le FN est un défenseur des libertés sur le net... pour que le FN soit accusé d'être le défenseur de nos libertés, il faudrait croire que nos libertés sont bien mises à mal. Et personnellement (je ne sais pas pour M. Prieur), j'envisage la liberté bien différemment !

Plus exactement, Guillaume Prieur exerce le métier de "lobbyiste". Pendant deux ans, il a été assistant parlementaire de Michel Pajon (PS) après être sorti de l'IEP de Paris. Il connaît donc assez bien le travail des deux parlementaires européens pirates sortant et s'arme pour son combat contre Julia Reda qui nous y représente désormais.

Sur la forme

C'est une forme rhétorique qui tient du sophisme, notamment en associant des points communs pour dire que les deux sont identiques.

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Il y aurait aussi d'autres équivocations à signaler mais surtout, il cherche à discréditer le Parti Pirate en laissant entendre que nous serions opposés au droit d'auteur. Pourtant, en tant qu'expert sur le sujet, il ne peut ignorer que ce que nous défendons est avant tout une remise à plat de ces droits d'auteurs. Aujourd'hui, ce sont principalement les éditeurs qui sont les bénéficiaires de ces droits... d'auteur. Ce qui est nécessaire (et urgent), c'est de donner sa place au spectateur dans la création artistique puis de permettre à l'auteur de vivre de ses créations. L'éditeur, lui, a sa place car il est parfois le financeur mais il reste un intermédiaire technique de la réalisation. Entre spectateur, auteur, ou éditeur, s'il devait en manquer un pour une réalisation artistique accomplie, ça ne serait certainement pas les premiers que nous retirerions !

De plus, nous ne nous y trompons pas : le FN n'est pas le défenseur des libertés. Au contraire, tout son programme est axé sur l'autorité. Quant à l'art, c'est bien quelque chose qui passe à dix miles de son entendement (une création qui ne répond pas aux traditions ancestrales ? Pouah !).

Sur le fond

Monsieur Prieur, encourage le « tous pourris » alors qu’au contraire sur la grosse 30aine de candidatures pour les européennes, il y avait une vraie diversité de propositions politiques. On ne peut pas vraiment dire non plus que le succès du FN soit lié à sa position sur les 'libertés' numériques. Et d'ailleurs l'idée même de libertés du numérique est réducteur (la liberté, c'est partout, sur internet si on veut mais avant tout dans la rue, dans la presse... dans l'art, etc). On pourrait revenir sur les raisons de ce succès (que j'attribue à la perte de confiance des électeurs dans une classe politique corrompue notamment) mais on s'écarte du fond.

Sur le fond, la SACD voudrait que l'on protège l'auteur en interdisant la reproduction, la déformation et l'utilisation des oeuvres. L'artiste n'est pas dans un espace en vase clos. Au contraire, l'auteur a besoin de créativité et de partage pour fonder ses propres créations. Combien d'idées "originales" naissent à travers le globe toutes les minutes ? Pourquoi devrions nous accorder un statut particulier à celui qui a été le premier à penser à en faire un brevet ou un copyright ? Pourquoi ne pas accorder le même statut à celui qui reprendrait cette idée pour la parfaire et l'enrichir ?

Il faut nourrir les artistes. Certes. Mais les solutions à l'emporte pièce, très peu pour nous. Issues de générations "numériques", on en vient rapidement à rêver d'une création dé-multipliable à l'infini. La diffusion est de moins en moins difficile et la notion d'oeuvre originale perd de plus en plus son sens. Pour autant, l'artiste n'est pas un Bon Samaritain, il a aussi le droit de vivre de son travail et même d'en vivre bien. Pour M. Prieur, nous n'avons pas de solution à proposer. Pourtant, il y a eu des propositions. L'idée d'un revenu minimum est séduisante, la possibilité aussi de revoir les droits d'auteur pour en limiter la durée de manière plus raisonnable, la possibilité d'avoir une politique publique culturelle forte et diversifiée, etc. N'oublions pas aussi les oeuvres dérivées. Si Google est si riche, ce n'est pas en vendant des résultats de recherche mais en vendant ... de la publicité. Pour la création musicale, la vente de vinyle est de plus en plus courante (support qualitatif, plaisir de l'objet, soutien aux créations qui plaisent, ...). Dernièrement, on a vu aussi beaucoup de "youtubeurs" exploser les scores d'audience et tirer un succès commercial (pourtant on peut visionner gratuitement leurs créations !). Il est un peu facile de résumer la chose en disant que la gratuité est égale au mécénat, en réalité les sources de financements sont rarement directes.

Bien sur le Parti Pirate est fait... de pirates. Pour autant, peu de politiques ou même d'artistes ont autant de respect pour le droit d'auteur. Sur nos publications, nous n'enfreignons jamais le droit d'auteur. S'il nous manque une image pour illustrer un article, nous la prenons dans le domaine public, dans les licences libres ou nous en payons les droits. Non, une image "trouvée sur Google", ou une musique "qu'on entend partout" n'est pas une création que l'on peut s'approprier librement. C'est la loi, on la respecte. Maintenant si on pouvait faire en sorte que les artistes qui choisissent de publier sous des licences libres soient protégés (et financés) aussi bien que ceux qui choisissent des licences restrictives, on approuve !


Maintenant pour un responsable d'une société d'artiste, faire l’amalgame entre FN et Parti Pirate, c'est un peu fort. N'était-ce pas les mêmes qui défendaient le label PUR. Un label qui sent bon le 3eme Reich !

Notes:

[1] La SACD est la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, société de gestion des droits d'auteur.