Sous l'aire Macron, pas mal de recul des libertés mais il y a un élément que je souhaites décrire ici et qui m'inquiète probablement le plus parmi tous, c'est que ces restrictions sont délégués aux organisations privées. C'est un fait qui n'est pas nouveau mais qui a été extrêmement accéléré par l'opportunisme technocratique qui est le dada de notre gouvernement actuel.
La fréquence des contrôles augmentent
Aujourd'hui, un jour pas nécessairement comme les autres (j'étais en déplacement à Paris) mais relativement classique tout de même, j'ai été contrôlé trois fois par des agents privés pour des choses qui relèvent de l'autorité policière.
- Une première fois c'était à l’hôtel où l'on m'a demandé un scan de ma pièce d'identité : c'est illégal. Je veux dire que non seulement je suis en droit de refuser mais il est principalement en faute de me le demander. Cependant, il était tard et je n'ai pas vocation à me battre systématiquement contre l’arbitraire. J'ai donc laissé faire contre tout respect de la loi[1].
- La seconde fois, c'était mon passe sanitaire. Un intérimaire embauché spécifiquement par la SNCF, exige mon passe pour accéder aux grilles d'accès de la voie[2]. De même, j'arrivais toujours juste à l'heure pour mon train, j'allais pas le rater pour cela mais si la loi permets à un policier de me sanctionner, l’intérimaire aurait été bien en mal de me bloquer l'accès au quai si j'avais refusé.
- Enfin, plus classique cette fois (mais qui pose tout de même question), on me contrôle mon titre de transport dans le métro par un agent de sécurité (spécifiquement habilité certes mais tout de même un agent du privé alors qu'on paye déjà assez chèrement les barrières de contrôle du métro sur nos deniers publics soit disant pour éviter cela).
En soit, si j'étais une personne recherchée par interpole, si je ne disposais pas du passe ou si je n'avais pas payé mon titre de transport, j'aurai été dans l'illégalité. On peut évidemment débattre de ces lois mais ce qui me choque plus particulièrement c'est qu'il y a quelques temps, la plupart de ces lois existaient mais on me contrôlait tout au plus deux fois dans l'année (oui, j'ai la chance de ne pas présenter physiquement de signes jugés arbitrairement problématique).
Aujourd'hui, ce fut trois fois mais même dans des semaines plus classiques, il est extrêmement rare que ces cas se ne présentent pas plusieurs fois par semaine.
L'autorité assermentée délègue au privé ses obligations
Je n'ai rien contrôle les types qui m'ont contrôlés. L'hôtelier aurait probablement été probablement honnêtement surpris si j'avais refusé qu'il scan ma pièce : c'est beaucoup plus simple pour lui que vérifier ma nationalité et le cas échéant, d'avoir à recopier mon nom et mon adresse. Pire, il m'aurait probablement tenu rigueur de lui faire perdre son temps pour une question de principe.
Un policier aurait peut-être eu le droit de noter mon identité mais pour des questions d'organisations et de moyen, il ne l'aurait fait que s'il avait eu une raison (objective ou non) de le faire. Donc en reléguant au privé, l'Etat s'assure de fait un excès de zèle et se dédouane de la lourdeur du procédé.
Cela pourrait me poser des problèmes car si mettons un crime avait été commis non loin, il serait loisible de récupérer le scan de cette pièce d'identité pour m'incriminer. Celui qui en a fait copie n'étant en aucune mesure formé pour vérifier une identité, rien ne dit que c'est bien ma carte d'identité que j'ai présenté, et même le cas échéant, il reste abusif de se reposer sur une preuve illégale pour assurée la sécurité publique. Dans un cas plus commun, cela signifie aussi que si l'hôtelier veut effectuer un acte contractuel en mon nom, il dispose des deux éléments les plus commun pour cela (mon état civil et mes données bancaires).
Dans le cas de la SNCF, c'est de plus en plus difficile d'accéder au quai et sans l'appuie d'intérimaire non formés et mal payés, ils seraient bien en peine d'effectuer ces contrôles.
Tout cela facilite la possibilité pour le pouvoir politique de mettre en place à la fois des contrôles excessifs et une forme d'excès de zèle quant à l'application des mesures décidées. Il aurait par exemple été assez difficile de faire valider par le conseil constitutionnel l'embauche d'intérimaire au sein de la police national pour exercer des contrôles aux seins des locaux des entreprises privées (même dans certains pays très autoritaires comme le Maroc, cela serait impensable, je vois mal la droite constitutionnelle française valider cela).
Petit point sur la légitimité de la Police
Je sais que le grand amour avec une police qui comporte massivement des personnes racistes, sexistes et violentes n'est pas une évidence. Cependant, même si la justice a pu démontrer une part infime des dérives et qu'il y en a énormément, cela reste une minorité de faits. Si nous regardons objectivement la situation, il arrive assez rarement sur le nombre d'interventions que la police exerce en dehors d'ordres directes ou indirectes de la préfecture. Oui c'est parfois arbitraire et encore plus inquiétant, la preuve que ces situations existes est la même que la preuve qu'il existe des mécanismes de contrôle : les sanctions sont trop rares et trop faibles mais elles sont bien là et il est juste de constater que cela reste dissuasif. Les violences sur les journalistes par exemple montrent l'importance du pouvoir de la presse en France et qu'il est délicat pour un préfet d'organiser un assassinat en toute impunité (dans le cas de Steve Maia Caniço, tué à Nantes, la procédure à fini par s'ouvrir et rien que cela serait impensable dans un système qui n'auraient aucun contres pouvoirs).
Donc certes, la police n'est pas sans reproches, mais elle exerce dans un cadre prévus pour limiter les dérives. Et au delà de cela, la formation reste lacunaire pour "assermenter" un agent mais l'intérimaire de la SNCF n'a probablement même pas eu l'opportunité de prendre connaissance de ce qu'il avait le droit ou pas le droit de faire investi de cette autorité contextuelle. Cela rend l'échange de bonne foi encore plus difficile, or je suis peut-être trop candide mais même une personne néfaste peut-être de bonne foi.
Enfin, quelles conséquences ?
Pour moi, pas grand chose à ce stade. Si vraiment j'avais été en position délicate, j'aurai eu la ressource pour demander un hébergement à un ami, pour passer en force prendre mon train ou mon métro (le costard et la carte bancaire restent des seuls laisser passer universels toujours en vigueur). Je ne suis pas certain que j'aurai été aussi serin avec seulement un visa de séjour-travail en poche ou une peau plus basanée mais globalement, la majorité compose quand même avec tout ça assez bien (à coté de moi des jeunes s'amusaient même sans aucune discrétion d'avoir réussi à feinter le contrôle du métro par exemple, quand à l’intérimaire de SNCF, il est probablement trop mal payé pour engager un échange un tant soit peu musclé).
Cela dit, le rythme des restrictions de libertés se sont beaucoup accélérées avec le terrorisme et encore plus maintenant avec les contrôles sanitaires. En moins d'un an, nous sommes passés d'une règle qui était admise universellement qu'on ne devait jamais poser aucune question sur la santé de quelqu'un sans une certaine proximité (et avec beaucoup de tact) à des inconnus mal identifiés qui vous tendent un téléphone sans même vous dire un mot et qui vous agressent si vous ne leur présentez pas spontanément votre laisser-passer sanitaire. Pire, la foule autour vous regarde alors avec un mélange d'inquiétude (pour leur santé) et de haine (diffusant tout à la fois l'impatience de passer le barrage sanitaire et la suspicion que vous seriez un "mauvais citoyen"). Quant au monde de l'entreprise, je pense qu'assez universellement, on a cessé de se contenter de souhaiter à une personne malade de se remettre vite et de prendre soin de soit en le remplaçant ou en l’accompagnant d'un plus inquisiteur "tu as fais un test PCR ?" (avec tout ce que cela comporte explicitement ou implicitement de reproche d'avoir potentiellement été rendu malade... or par définition, c'est nécessairement par un tiers et donc une responsabilité assez collective).
Bref, je ne suis pas plus inquiet que cela sur la montée de certaines personnalités fascistes dans les médias (on ne peut généralement rien y faire dans tous les cas) mais je suis par contre assez inquiet de personnes (qui ne sont quoiqu'on en pense, ne sont pas de ce versant là) qui mettent place un arsenal basé sur la puissance du peuple faire du zèle dans les restrictions de libertés (et à commencer par les siennes propres). Je me demande comment nous pouvons agir pour objecter et revenir au principe assez trivial qui consiste à se faire confiance mutuellement. Cela me semble une priorité d'action dans l'immédiat.