Par Mistral Oz,
dimanche 25 février 2018.
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Politique
Y a du mouvement chez les pirates. On navigue ici en eaux troubles et il m'a semblé important d'expliciter ce qui s'y passe actuellement. Attention, cet article est critique mais faire œuvre de transparence, ça demande aussi de parfois faire de l'autocritique. Ce premier article fait le point sur une procédure disciplinaire qui a été lancée contre moi et qui se conclus par un non lieu.
Procédure "disciplinaire" (sic!)
Fin janvier, j'ai appris qu'une procédure disciplinaire était lancée en interne contre moi. Je venais juste d'annoncer ma mise en retrait pour des raisons personnelles et j'ai donc été un peu surpris. D'autant que ça fait quelques années que je suis plutôt discret dans les outils de discussion nationaux. Je ne suis pas en accord avec la manière dont les réunions s'y tiennent : absence d'ordre du jour, sections peu ou pas consultées, agressions verbales systématiques et sur tout sujet... Bref, je me suis tenu à l'écart car ces soucis internes devaient se résoudre cette année et avec comme sujet prioritaire les élections Législatives. De plus, le Parti Pirate a voté à une très très large majorité sa nouvelle déclaration de politique générale, chose qui sur le fond comme sur la forme est très stimulante (ce texte reprend en tout points les valeurs que je défends et qui sont les miennes pour notre société). En recevant le dossier d'accusation, j'apprends "trois personnes" (que je n'ai pas le droit de nommer, sic ! [2]) m'accusent de diffamation, de "destruction" et "d'obstruction". Outch! Moi qui ai occupé mon temps à faire vivre l'action du Parti, ça fiche un coup (je fus secrétaire national, président de l'association de financement, trésorier et coordinateur de la section Bretagne, et candidats à deux élections pour défendre les valeurs du Parti Pirate...). Je n'ai pas compté mon énergie, mon temps. Combien d'heure passées à rédiger des comptes rendu de réunion, à réformer des bilans comptables, à défendre le Parti dans des procédures face à des instances officielles, à présenter le Parti à des personnalités politiques reconnues et qui nous ont ensuite apporté leur soutien ? J'en passe mais je ne suis pas le "chieur de service", quant il y a du boulot et même du boulot très ingrat, j'ai fais largement ma part et je n'ai demandé aucun remerciement, aucune distinction ! C'est l'esprit du Parti Pirate, on agit individuellement mais on partage les succès collectivement.
Alors, ça ne dédouane pas de respecter les règlements et tout le monde peut se retrouver en procédure disciplinaire... néanmoins j'aurais apprécié un peu plus de considération pour les efforts que j'ai consenti depuis 2012 au profit du Parti. Ceci d'autant que jusqu'alors toutes les procédures Codec (très peu), ont toujours amené à des sanctions assez lourdes contre l'accusé et pour des faits très graves (sexisme, menaces physiques, ...).
De quoi s'agissait-il alors ?
Ils me reprochaient d'avoir porté des accusations, jugées diffamatoires. Néanmoins, ces accusations n'étaient pas nominatives et portaient sur des dysfonctionnements en interne en demandant à ce qu'à l'avenir on sache mieux y faire face. Pas de quoi "infâmer" qui que ce soit. De plus, en matière pénale (car la diffamation relève du code pénal), le délai pour porter une accusation de ce type est de 3 mois. Après, on considère qu'il n'y a plus matière à préjudice et que l'accusé n'a plus les éléments pour se défendre. En portant l'affaire via un moyen de recours interne, ils ont profité d'un biais puisque dans ce cas, les sanctions sont moindres mais les droits pour la défense aussi. Heureusement, j'avais conservé quelques preuves de ce que j'avançais (pas tout, certains fait était ancien, on ne constitue pas "des dossiers" mais restaient quelques illustrations pour me défendre).
Plus grave, toujours sur la diffamation on m'a reproché un vote personnel... Oui, comme si le fait d'exprimer une opinion politique pouvait être jugé infamant au Parti Pirate. J'ai du relire plusieurs fois car j'ai eu un peu de mal à y croire mais j'y reviendrai par la suite car c'est assez caractéristique des dérives en cours au sein du Parti et touche aux questions sur le secret du vote.
Sur le reste, ils me reprochaient de mal représenter ma section locale quand j'en étais coordinateur et, paradoxalement, d'en avoir suivi les décisions collégiales pour ne pas participer à certaines réunions de la coordination nationale. Ce qui m'a le plus chagriné, c'est le choix des mots. En particulier de parler de "punition". Dans le cadre d'une procédure interne, demander des réparations ou des mesures de sauvegarde, cela s'entend mais ce mot est puéril et inutilement humiliant. Il traduisait à lui seul l'esprit dominant de ces accusations et la finalité de la procédure. Il se trouve que j'ai toujours fait les choses avec un certain rigorisme procédurier et donc j'ai fait voté des quitus sur ma gestion. Quitus obtenu à l'unanimité ou pas loin. Par nature ce quitus en terme juridique me dédouane et rend sans objet les accusations qui étaient portées. S'ajoutent d'autres notions comme les registres d'assemblée générale, des décisions antérieures de la Codec et divers éléments rendant probant une rigueur et un souci démocratique assez facile à établir.
De plus, il y avait une forme de deux poids deux mesures dans l'accusation puisque les faits reprochés auraient pu l'être aussi à beaucoup d'autres coordinateurs ou responsables. "L'un des accusateurs"[2] s'illustre assez bien en particulier puisqu'il a refusé de rendre son rapport de gestion à l'issue de son mandat de trésorier mais on pourrait parler dans une moindre mesure des autres personnes cités dans leur texte d'accusation (et ceux qu'ils omettent).
Enfin, sur le fond, là encore, aucun préjudice tangible et sans même les quitus, beaucoup d'autres éléments auraient pu être invoqués pour la défense.
L'avis de la Codec (commission de contrôle interne, apte à statuer)
Son avis, sans ambiguïté : non lieu unanime. Je vous avoue que pour l'égo, autant l'accusation m'a fichu un coup et m'a beaucoup pesé sur l'ingratitude et l'opportunité du moment de cette procédure... mais autant le rendu de cet avis m'a plutôt apaisé. Comme quoi, même dysfonctionnel le Parti Pirate dispose encore de moyens solides pour statuer objectivement. A noter que cette commission est composée de trois membres permanent mais s'adjoint pour statuer de 5 membres titrés au sort. L'accusation a choisi de révoquer l'un des membres permanent (dont je n'ai absolument aucun doute sur son honnêteté mais il est vrai suffisamment proche du dossier pour justifier la révocation). Quand aux autres, j'ai pu travailler avec deux d'entre eux par occasions mais sur les tirés au sort, il je pense qu'ils ont découvert le dossier sans autre passif apte à les détourner de l'objectivité.
Et pour rester tout à fait honnête moi-même, je n'ai pas beaucoup d'information quant aux motivations qui ont poussé à leur prise de décision. Je sais juste que sur le premier chef d'accusation de diffamation, il a été requalifié car le Parti Pirate ne l'évoque pas dans ses règlements (ils ont donc retenu uniquement les "règles de civisme", plus large). L'avis de la commission comporte d'autres éléments sur le fond à l'adresse plus générale des pirates et des instances. Des remarques de bon sens qu'il ne m'appartient pas de publier (il faudra attendre que les instances le fasse par elles-mêmes[1]). On notera tout de même que la commission évalue à une 15aine d'heure le temps qu'elle a passé à s'occuper du dossier (et je pense y avoir perdu pour ma part une bonne grosse journée) : c'est plus qu'il n'en faut pour la rédaction d'un tract politique ou pour organiser un atelier débat avec des habitants.
Et c'est pas fini car la prochaine étape va être la mise à l'ordre du jour de cet avis à une réunion de coordination nationale. Conformément aux statuts, la coordination nationale doit juger de l'opportunité des sanctions et en l’occurrence, suite à un non lieu, l’entériner. De plus, puisqu'on m'y a contraint, j'ai du expliciter mes accusations, et comme il s'agit de manquement aux chartes internes et aux codes législatifs, restera à voir s'ils veulent réellement y donner une suite (il ne m'appartient pas de le demander, c'est l'association qui en a subit le préjudice). Je considère pour ma part le sujet clos. Le bon sens veut que ce soit une formalité et qu'on s'en tienne à des considérations plus politiques mais on peut s'attendre à tout en ce moment. Les contradictions statutaires, légales et les vexations gratuites sont légions. Je ne me sens pas d'en subir à nouveau : j'espère que le Parti Pirate saura comprendre où se situent les limites de ce qui est juridiquement acceptable.
Ma conclusion ?
Tout ceci est ubuesque. En venir à porter des accusations vexatoires par le biais d'une procédure disciplinaire n'a tout simplement pas lieu d'être dans un parti politique qui veut faire de la politique autrement. Nous ne sommes pas des professionnels de la politique et chacun le fait sur son temps personnel. Moi-même j'ai parfois mal su agir et je ferai les choses autrement maintenant avec l'expérience mais la structure du Parti Pirate doit savoir se remettre en cause et arriver à bien faire la distinction entre ce qui peut-être dit ou fait dans un cadre privé avec des amis et ce qui peut l'être avec des outils et dans des instances qui portent officiellement l'image du parti. Ça ne veut pas dire de devenir ennuyant, mais on peut être original tout en étant sage et pondéré. Les instances officielles doivent rester des lieux protégés où ce qui est dit exprime des opinions réfléchies et matures.
Cette procédure a été assez nuisible. Notamment elle m'a astreinte au silence sur les modifications statutaires en cours (dont l'un des accusateurs en est le rédacteur). Il est important dans une procédure de ne aller tendre le bâton pour se faire battre et donc il fallait que la vérité soit établie indiscutablement par le rendu de l'avis de la commission avant que je puisse à nouveau m'exprimer avec une légitimité établie. Cela dit même après le rendu de cette procédure, ces derniers continuent à colporter ces accusations (pourtant maintenant clairement fallacieuses) et à user d'une agressivité constante, d'où ce premier article afin que mon silence ne passe pas pour de l'approbation.
"Keep calm, it's only Pirates"
Pas simple le projet que nous avons entrepris en 2006 de fonder un parti politique nouveau, inclusif et libertaire. Dans tous les partis politiques des sortes de "tempêtes de bacs à sables" détruisent les fébriles châteaux qu'on tente d'y construire. Plutôt que de s'entre aider, y a des querelles, non fondées ou puériles qui viennent casser les efforts de chacun. Au final, depuis l'élection de Macron, je crois avoir fermement défendu mes convictions, avoir su m'opposer au dirigisme de Jupiter... et on sait que c'est pas toujours facile d'être en opposition contre un gouvernement aussi autoritaire. Néanmoins les coups qui m'ont fait le plus mal ont été porté en interne. On dit qu'on est jamais trahis que par les siens et peut-être faut-il prendre un peu de distance. Néanmoins, on abandonne pas un navire après tant d'énergie mise à lui faire quitter le port. Beaucoup de membres, plus discrets ont préféré laissé les places de pouvoir à d'autres (quant on est contre le cumul, on se l'applique) et certains ont rendus leur carte. Néanmoins beaucoup de personnes de qualité au sein du Parti Pirate... mais il ne faut pas beaucoup de personnes pour détruire une dynamique.
Dans un prochain article je parlerai des modifications statutaires (statuts "C.R.S.") et qui vont dans la lignée de cette chasse sorcière menée de l'intérieur et dénotant d'un autoritarisme étrange dans une formation comme la notre. Puis je conclurai sur mes actions et sur ce que j'espère pour la suite de nos batailles politiques.