Participer à une élection, c'est toute une aventure. J'avais déjà pu l'expérimenter en 2012 en aidant à la campagne des trois candidats du Parti Pirate qui s'étaient présentés en Bretagne mais c'était ma première expérience au sein d'une liste (de 61 noms, ce qui n'est pas rien, même à l'échelle d'une grande ville !).

Voici donc un résumé de cette expérience avec un bilan de ce qui a fonctionné ou non. Puisse ce partage d'expérience inspirer d'autres candidatures à l'avenir et éviter à certains les embûches que nous avons pu avoir.

Les alliances

Présenter une candidature pour une élection municipale comme à Rennes demande :

  • de réunir 61 personnes
  • de présenter des candidats pour la mairie et pour le conseil communautaire (donc une vision programmatique assez pointue sur tous les sujets sur le plan local)
  • autour de 5000€ de frais dit "R39" (bulletins de vote, circulaires et affiches électorales pour l'affichage officiel des deux dernières semaines)
  • des frais de propagande pour payer des tracts, des affiches, des salles de réunion, etc.

Y aller seul, même pour un gros parti, c'est un défi. L'alliance a donc été notre première intention. EELV nous a d'ailleurs sollicité dans cette intention. Nous avons aussi approché le groupe MoDem du conseil municipal.

Très vite nous avons exclut l'idée d'un accord avec les seconds car leur positionnement vis-à-vis du MoDem national nous semblait trop centralisé, pas assez axé sur la décision locale. Avec les premiers, EELV, la discussion a été assez longue : sur le plan programmatique, plusieurs éléments nous rapprochaient.

Deux choses ont néanmoins mis un frein net aux négociations :

  • EELV voulait faire alliance avec le PS au second tour : à notre réponse qui était d'avoir la possibilité de retirer notre soutien à la liste si le choix de second tour ne convenait pas, il nous a été opposé une levée de bouclier, la solidarité de l'alliance devant primer sur les convictions politiques des composantes.
  • EELV ne souhaitait pas intégrer des "simples citoyens" sur sa liste : étant une liste en alliance avec le FdG, ils avaient déjà distribués les places et s'ils étaient prêts à nous y intégrer, ils ne voulaient pas prendre des citoyens qui ne sont pas déjà actifs sur le plan politique (à la limite, certains présidents d'associations mais à conditions d'avoir un potentiel d'électeurs).
Cette contradiction avec nos valeurs de démocratie citoyenne, associée à des réserves sérieuses sur le pouvoir des citoyens non élus (position sur laquelle ils ont un peu évolué par la suite) et à un verbiage politique très codifié, créant une barrière naturelle dans l'expression politique des non initiés, nous a conforté dans le refus de cette alliance. Nous préférions alors ne pas y aller plutôt que de servir de caution à un système politique contre lequel nous proposions des alternatives citoyennes.

J'ai donc contacté des personnes qui donnaient l'impression de s'intéresser à la vie politique locale, notamment à travers des cafés citoyens organisés tous les mois autour de thématiques politiques. Nous somme montés en quelques semaines à une trentaine de candidats potentiels. Pas assez pour poser notre candidature mais nous étions mi janvier et il y avait un facteur exponentiel qui permettait d'y croire.

Parallèlement, j'avais été contacté mi 2013 par des responsables du Rassemblement citoyen (Cap21 et le parti du vote blanc) en tant que secrétaire national du Parti Pirate. Les échanges avec eux avaient été intéressants et ils étaient les seuls à accepter que nous enregistrions nos conversations et que nous publions publiquement les comptes-rendus de nos échanges. Le Parti Pirate national a refusé de rejoindre leur alliance, estimant que nous avions surtout besoin de nous positionner sur les Européennes avec l'appui des Partis Pirate Européens (PP-EU créé officiellement le mois dernier) et que nous risquions de brouiller le message. Cependant, la porte est resté ouverte pour des accords locaux. Personnellement, j'avais gardé un contact avec eux, notamment parce que leur liste présentée à Vannes (en alliance PS) me semblait intéressante en terme de démocratie.

Au terme d'un échange avec eux, on en est venu à parler du refus du MoDem d'accorder l'investiture au groupe centriste sortant du conseil municipal et qui présentait aussi une liste indépendante. Ce changement de posture et surtout le maintien de leur candidature, en refusant de suivre la directive du national, nous a plu et au terme de deux mois d'échanges en décembre et en janvier, nous avons décidé de fusionner.

La fusion des listes

Notre liste "Piratons la mairie" n'a jamais désigné de tête de liste. Au fil du temps, à force de rencontrer des colistiers pour la liste et d’œuvrer pour cette campagne, j'étais devenu la tête de liste la plus naturelle mais je n'ai jamais pensé que cela était acquis, ni que cela revêtait une grande importance. Du point de vue des médias, c'était un peu difficile car refusant de jouer le jeu médiatique, certains médias nous sanctionnaient en refusant à leur tour de parler de nous. D'un autre coté, ce refus net pour une personnification les a intrigué et devenait l'un des facteurs de notre crédibilité.

En fusionnant, nous devions donc choisir une tête de liste : ou bien la tête de liste de l'autre liste... ou la notre. Et à ce moment, cela a posé pas mal de problèmes. Sur le programme nous avions réussi, au terme de plusieurs semaines de réunion, à construire un programme commun qui n'était ni le leur, ni le notre mais une expression d'ensemble. Sur la tête de liste, c'était impossible. D'autant que l'autre liste avait fait un choix complètement inverse, se servant des rouages médiatiques en matraquant une tête de liste.

J'ai pris une semaine pour y réfléchir puis, la veille de sceller l'accord, j'ai décidé de retirer ma candidature pour la tête de liste. Pour moi, cela n'avait pas autant d'importance que le programme; j'ai cependant insisté pour qu'en échange de mon retrait, la liste soit au maximum mise en avant (dans les débats, les affiches et les tracts) afin de présenter la diversité de notre liste comme son premier atout.

Plusieurs personnes au sein de la liste Piratons la mairie m'en ont tenu rigueur, comme si ce retrait était un renoncement à défendre nos valeurs. En particulier une politique citoyenne où n'importe qui pouvait être tête de liste. Ce soutien qu'ils m'accordaient pour la tête de liste était surtout lié à ce que je pouvais incarner en étant jeune et relativement "lambda" en tant que citoyen, cela dépassait donc ma simple personne et c'est ce que j'ai mal jugé. J'aurai du préparer plus en amont mon retrait.

Plusieurs raisons à ce retrait: Des personnes de l'Elaboratoire devaient initialement rejoindre la liste mais se sont dédits peu avant l'accord final et j'avais des difficultées avec mes clients au travail (peu de disponibilités). Le besoin d'être épaulé et de pouvoir se reposer sur une tierce personne pour mener la campagne m'ont motivé à laisser le lead à quelqu'un de mieux installé dans sa situation personnelle.

Suite à cela, une partie significative de la liste s'est retirée. Une autre partie est restée, notamment des personnes encartées Parti Pirate dès l'origine. C'est inévitablement une faiblesse que d'avoir des personnes complètements indépendantes au sein de la liste... mais c'était aussi une force. J'ai été agréablement surpris de voir rester un sympathisant décroissant et un membre du front de gauche qui nous avaient rejoints. Ils ont ainsi incarné des visions différentes qui ont fortement influé sur la suite du programme. Nous avons donc été plus d'une quinzaine à rejoindre la liste.

Avec les membres de l'autre liste et quelques autres personnes convaincues sur la fin, nous avons pu finir notre liste et la déposer à temps. Réussite déjà exceptionnelle sachant que plusieurs autres partis nous prédisaient l'échec de cette candidature faute de candidates. 

Les réactions des électeurs

Dans la rue, les marchés et en porte-à-porte, beaucoup se demandent qui nous sommes. En effet, ayant changés plusieurs fois de nom, refusant de nous positionner à gauche ou à droite, il y avait une sorte de crainte légitime sur nos intentions réelles. Transfuges réactionnaires de droite ? Expression d'un lobby d'extrême gauche ?

"Nous somme une liste citoyenne, sans étiquette !" Nous avons même été jusqu'à refuser l'investiture du Parti Pirate pour garder la liberté totale de ce collectif dans ses décisions. Nous avions tout de même le soutien de Corinne Lepage et du Parti Pirate mais un soutien excluant leur financement ou une autre forme d'allégeance.

Parmi nos propositions phares: faire voter 10% du budget par les habitants. Mesure qui fait mouche à chaque fois, notamment parmi les abstentionnistes (qui n'attendaient que de pouvoir voter enfin utile, voter pour une démocratie directe !). Plus d'emploi : un programme réaliste et réalisable, ne promettant pas le maintient d'une usine PSA déjà moribonde mais anticipant la création d'emplois de basse qualification pour offrir une transition aux salariés concernés. Du faire ensemble : au delà du vivre ensemble, une série de mesures pour forcer les habitants à collaborer et à être acteurs de leur quartier ... plutôt que de stigmatiser une peur envers un voisin virtuel, aux intentions toujours négatives !

Certaines choses moins populaires aussi parce que défendre des convictions, c'est aussi faire entendre la vérité de nos intentions. En particulier, moins de dépenses fastueuses. Trop souvent l'écologie se résume à mettre des voitures électriques, construire des métros et bétonner de larges avenues pour donner une image de ville propre et écolo...bobo. Or les voitures électriques et le métro fonctionnent actuellement au nucléaire (sans compter les externalités négatives des chantiers qui vont avec) et enfin bétonner la ville conduit à des catastrophes écologiques (inondations, suppression de la biodiversité, etc). Nous devions donc expliquer que pour se transporter de manière écologique, la meilleure des choses à faire était encore de se déplacer moins (rapprocher les lieux de vie et lieux travail, les commerces, le plaisir de vivre dans son quartier), que le bus pouvait être plus écologique que le métro à condition de mieux y réfléchir, etc.

Les réactions des autres listes

Dès l'annonce de notre fusion et la présentation de nouvelles affiches : un effet de mimétisme immédiat. En place des affiches avec la tête du candidat en 4x3, beaucoup d'affiches se mettent à nous copier en présentant l'équipe. De plus, l'emploi qui était selon les autres candidats "pas une compétence du maire" revient au cœur du débat. La place des citoyens revient, au point que notre proposition d'accorder 10% des budgets d'investissements aux habitants a même été défendu par EELV/FdG dans leur accord de second tour avec le PS (à voir ce que cela donnera mais qu'ils ne le rejettent plus d'emblée est déjà un succès).

Sur d'autres plans, plusieurs de nos propositions sont reprises. Agacement dans nos rangs. "Ils nous volent tout notre programme". Pirate, je souris, je ne suis pas le seul puisque les journalistes s'en amusent aussi. Après tout, le but d'un débat est de faire arriver à des consensus. On peut douter de la franchise de certaines promesses alors que des personnes au pouvoir ont fait tout l'inverse pendant 6 ans et retournent leur veste selon le sens du vent... mais enfin, mieux vaut des consensus à 10% de leur substance qu'avoir 3 élus minoritaires à les défendre.

Pour le Parti Pirate, c'est aussi une mise en avant inattendue. Alors que nous pensions faire campagne pour gagner un peu de visibilité, la conjoncture nous a porté encore plus en avant. La rupture de la confiance entre des politiques cumulards et corrompus a débusqué chacun dans ses plates bandes. De plus, la liste fusionnée n'ayant pas le soutien du MoDem, c'est mécaniquement le Parti Pirate qui a eu le champ libre pour profiter de cette visibilité. Au point qu'il a fallu descendre un peu la voilure pour ne pas vexer les autres colistiers (d'autres formations ou fermement sans étiquette). Les journalistes voulaient savoir comment un OVNI politique comme le Parti Pirate pouvait se retrouver à jouer les challengers et se retrouver en alliance avec des élus sortants.

Au début, nos positionnements politiques étant mal connus, nous avons eu un phénomène de rejet : Quel programme avez-vous pour la culture ? La sécurité, une thématique qui vous intéresse ? Que pensez-vous de la droite ?. Avec de la pédagogie nous avons pu transformer l'essai, nous n'avions pas à rougir de nos positionnements, réellement créatifs et solidaires.

Nous avons également vexé un peu EELV, ne s'attendant pas à ce que nous fassions une alliance avec des centristes ("la droite !") alors que nous avions refusé d'envisager une alliance avec le PS ("la droite ?"). Nous les débusquions aussi sur leurs plates bandes puisque nous avions le soutien de Corinne Lepage (certainement plus profitable en Bretagne que celui de Mélanchon) et les poussions sur leur aile la plus écolo (vallée verte, décroissance du nucléaire, sobriété, etc). Cette situation est un peu dommageable car ils auront sûrement d'autres choses à construire avec nous par la suite. Après tout, on est jamais trahi que par son propre camp et ils ne s'attendaient probablement pas à ce que souhaitions aller plus loin qu'eux sur l'écologie et sur la démocratie. Domaines sur lesquels on peut leur reprocher d'avoir mis un peu trop d'eau dans leur vin ... (voir l'accord EELV / PS aujourd'hui au gouvernement... et imaginer l'accord EELV / PS demain à Rennes).

On peut négocier jusqu'à un certain point. Au delà, il est préférable de faire un faible score seuls plutôt qu'un score élevé avec un programme qui ne nous ressemble pas.

Les finances

Cela fait parti des facilités avec lesquelles nous avons pu compter. Alors que pour Piratons la mairie, le budget envisagé était autour de 10 à 15000€ (nous aurions eu besoin d'un appel largement contributif), sur la liste fusionnée, nous somme montés à plus de 35000€ de dépenses (incluant le R39).

C'est peu face aux autres listes (le plafond de dépense était à plus 180 000€ et on a pu voir des dépenses fastueuses comme le "repas des 1000" financées sur la campagne du PS). Cela a toutefois permis de louer un petit local de campagne (très bon investissement), faire des tracts 4 et 8 pages en quantité suffisante, faire un peu d'affichage associatif et quelques autres opérations comme la photographie de l'équipe, le site internet, etc.

Revers de la médaille, c'était de l'argent emprunté par la tête de liste et donc à rembourser si nous n'atteignons pas les 5%. Pari perdu puisque nous avons plafonné à 3.40%, score honorable mais insuffisant pour le remboursement par l'Etat. Obligation donc de soutenir la tête de liste même s'il s'était engagé en conscience des risques (d'ailleurs pour toute donation : même 10-20€, me contacter).

A noter à ce sujet que cette manière de brider les candidatures me semblent assez néfastes dans le cadre d'une démocratie pour tous. Dans d'autres pays, cela fonctionne comme pour l'élection présidentielle (où une partie du remboursement est acquit à condition de réunir un certain nombre de signatures). Se faisant, le pouvoir de l'argent en impose sur la démocratie et il est impossible sans en avoir les moyens d'assumer un rôle de tête de liste et même parfois d'imposer une décision de go/no go sur une dépense sans que cela pèse sur son portefeuille.

Le bilan

  • 3,40% : Un très beau score pour le Parti Pirate qui existe seulement depuis mai 2012 en Bretagne. Nous confirmons une place qui était déjà la notre aux législatives de 2012 où on se situe sur le haut de la pile des petits partis. Au regard du nombre d'électeurs, c'est la preuve que beaucoup d'électeurs sont prêts à lire une profession de foi et à juger les programmes sans tenir compte d'un aval national ou d'un positionnement dogmatique. C'est aussi le signe d'un mouvement qui progresse et qui voudrait une alternance non pas de la gauche ou de la droite mais une alternance citoyenne.
  • De beaux résultats au niveau national. Au moins trois élus au sein de conseils municipaux pour le Parti Pirate (dont un adjoint dans la majorité à Porte-lès-valence chargé de la démocratie locale).
  • De fortes attentes : plusieurs personnes qui n'ont pas voté pour nous nous ont expliqué leur choix et leurs craintes tout en affirmant être sympathisants pirate (globalement ils attendent souvent des éléments contradictoires : un effort de pédagogie est donc à faire à ce niveau).
  • Le refus de tout soutien au PS ou à l'UMP nous autorise toute liberté pour rester une force alternative indépendante.

A refaire ? Oui assurément : le travail entrepris est un travail de long terme. Notre campagne a mis trop de temps à se dessiner clairement. Depuis début février (annonce de la fusion) jusqu'à la fin mars, nous avons convaincu 3% des électeurs. Il faut donc continuer ce travail sur le long terme car l'électorat pirate est désabusé des promesses politiques : pour donner confiance en notre action, il faut être déjà au travail (le départ à la retraite de certains oligarques PS permettra peut-être d'avoir moins de battons dans les roues pour mener des actions).

Ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné

Ce qui a fonctionné :

  • Louer un local au centre ville de Rennes. Il était un peu petit mais le rapport coût/efficacité et le fait de pouvoir disposer d'un local pour fédérer l'équipe était essentiel. Avec un bail précaire, cela reste une option économique de l'ordre de 1000€ par mois.
  • Le porte à porte, la présence dans les quartiers (massivement en focalisant quartier par quartier) était un succès.
  • La préparation des débats et des communiqués de presse. Par contre, il ne faut pas donner d'exclusivité et communiquer toujours le plus largement possible. Il est dommage qu'après la fusion, le fichier presse ait été un peu restreint.
  • Il faut prendre le temps de travailler le programme (en particulier dans le cadre d'alliances), ce qui a été fait avec soin et a évité qu'il y ait discorde sur les éléments défendus. La formation des colistiers pour apprendre à défendre le programme aurait été un plus non négligeable (non rompus à la politiques, certains manquaient d'arguments pour défendre des éléments qui n'étaient pas dans leur coeur de compétence).

Ce qui faudra perfectionner :

  • La gestion de l'équipe : apporter des outils de communication (y compris non numériques) est essentiel pour tenir une équipe aussi large et hétérogène. SMS de masse, message sur répondeur, réunion hebdo : avant de convaincre à l'extérieur, il faut s'assurer que l'ensemble de l'équipe est pleinement convaincu par le programme.
  • Investir très tôt dans des goodies (au niveau du Parti Pirate) pour donner de la visibilité et créer de la cohésion au niveau des sympathisants (stickers, vêtements, écharpes, badges, ...). Penser à la fois aux colistiers (éléments très visible de loin) et aux sympathisants (éléments discrets, que l'on peut arborer avec fierté mais sans prosélytisme).
  • Avoir le maximum de transparence sur tout : lors de cette campagne, pas de "secret" mais quelques ratés à cause d'éléments faussement confidentiels. Une transparence sur le compte de campagne serait aussi un plus pour faire prendre conscience aux colistiers du coût des tracts (qui ne sont pas à jeter sur les toits) et des diverses actions demandées.

Ce qui ne sera pas à refaire

  • Investir dans beaucoup d'affiches/tracts différents avec un façonnage coûteux : rester très simple et cohérent (autant faire campagne a zéro euro est néfaste car les électeurs ne se sentent pas respectés, autant dépasser plus de deux fois le montant du R39 pour la campagne officielle est superflu : on n'a pas les moyens, inutile de concurrencer le PS ou l'UMP).
  • En cas d'alliance, il faut convenir des budgets prévisionnels à l'avance et accorder une gestion collective du trésor de campagne : éviter notamment les impressions en petites quantités à répétition (l'impression offset ayant des coûts fixes lissés sur la quantité).

Mieux vaut une jolie utopie qu'une réalité brutale

Enfin, dernier enseignement : les journalistes ont assez vite une politique du premier arrivé, premier servi. Assez peu d'analyse à posteriori (sauf certains médias à faible diffusion) et assez peu de remise en cause. Une information fausse, diffusée avec force a plus d'impact qu'une information vraie diffusée au conditionnel. On a vu plusieurs faux sondages notamment ou des chiffres volontairement exagérés.

Il en va de même pour le programme. Nous défendions par exemple un moratoire sur les caméras de vidéosurveillance afin de prendre le temps d'en dresser le bilan et convaincre les électeurs (avec des éléments objectifs) que c'était une mauvaise solution. EELV a été plus loin en promettant la suppression. Plusieurs électeurs s'y sont trompés et ont trouvé le discours d'EELV beaucoup plus engagé. La réalité était toute autre puisque dans l'accord avec le PS, EELV s'est satisfait d'une vague promesse d'audit.

Ces deux enseignements montrent qu'en politique le mensonge paye toujours, notamment à certaines étapes de la campagne où les choses vont trop vite pour que l'on puisse démentir. C'est un jeu relativement détestable : bien que cela fasse parti des règles du jeu, je reste convaincu qu'il faut continuer à défendre uniquement ce en quoi l'ont croit réellement, sans chercher à embellir ou à noircir les choses. Les électeurs pirates ont une forte exigence de confiance, une confiance qu'il ne faut pas rompre, quitte à avoir plus de mal à se faire entendre auprès des médias.

En résumé, je tire les enseignements de cette campagne et je NE me retire PAS de la vie politique ;-). Il existe un fort potentiel pour agir en électron libre sur la vie politique locale. Le rôle d'élu s'accompagne de beaucoup d'avantages mais aussi d'une charge et d'une corruption liée au système. En tant que non élu, et à fortiori en tant qu'ex-candidat, il est légitime de pirater le peu de démocratie qui nous est laissé :

  • Liberté d'association : Former une association pour agir localement avec toutes les volontés citoyennes voulant agir de manière militante pour leur ville
  • Liberté d'expression : Prendre la parole via des questions écrites ou orales au conseil municipal, restant dans une posture constructive mais sans transiger, publier pour la presse, user du porte-à-porte et des panneaux d'expression libre, informer les médias alternatifs
  • La justice : porter recours auprès du tribunal administratif (après épuisement des recours de conciliation) pour exiger le respect de la loi par les élus et faire acte d'un contrôle citoyen constant sur les actes administratifs (bien souvent la simple application de la loi suffit à défendre les libertés individuelles et la démocratie).