Pour beaucoup de gens, la prise en compte du vote blanc est "complexe". Je conteste ce jugement un peu rapide car prendre en compte le vote blanc ne change pas grand chose à l'heure actuelle. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le vote blanc n'est pas comptabilisé à part (il est dans une catégorie qui comprend aussi les votes nuls) et tourne généralement autour de 3 à 5%. Suffisant pour remettre en cause la majorité absolue mais pas assez pour remettre en cause la majorité relative. Bien sur, si on incluait les abstentions à ce décompte, on dépasserait bien souvent les 50% en expression d'une opposition à notre système électoral [1].

Est-ce subversif de dire qu'un élu peut l'être qu'avec une majorité de 30% du corps électoral ?

Il y a plusieurs raisons au refus de la comptabilisation du vote blanc. La principale est celle qui refuse l'idée selon laquelle un élu puisse gouverner avec seulement une majorité de 20 à 30% du corps électoral. Pourtant c'est le cas à l'heure actuelle !

Et d'ailleurs, les élus se félicitent toujours de leur résultat en pourcentage relatif au nombre de bulletins exprimés et on en vient à comparer des torchons et des serviettes. Une mairie gagnée avec seulement 30% du corps électoral (comme la plupart des mairies en France), n'est pas équivalente à une mairie gagnée avec une participation de plus de 70 à 80% des électeurs.

Que veut dire l'abstention ?

Généralement, on a l'impression que les électeurs choisissent un camp plutôt qu'un autre en fonction du programme et de la campagne. Pour l'avoir observée lors de deux élections, la réalité est un peu différente. En général, un électeur PS ne votera pas UMP (et réciproquement). La part d'électeurs capable de changer d’obédience politique est très faible (même lorsque l'idéologie politique est semblable).

Le plus souvent, un électeur déçu par le programme de son candidat favori, choisira de ne pas aller voter. Mécaniquement, il favorise donc le candidat d'en face mais par démission et non par adhésion. Ce n'est pas pour rien si tous les partis politiques fustigent l'abstention et culpabilisent les électeurs qui, selon eux, préfèrent "aller à la plage que de venir au bureau de vote". Pour tous, "c'est un devoir citoyen" : Vraiment? Et alors seuls les électeurs seraient responsables d'une proposition politique trop peu diversifiée ?

L'apathie en politique

On en arrive alors à critiquer

- non plus le système politique qui ne laisse pas s'exprimer une démocratie directe, 
- non plus les élus qui sont constamment mis en cause dans des affaires de corruptions,
- non plus la séparation entre la société dite "civile" et la société "politisée" 
- non plus la vie des politiques complètement déconnectée de celle du commun des électeurs (salaires, retraites, avantages, déplacements en 1ère classe, etc).

Non, la responsable, c'est l'Apathie (absence d'énergie, incapacité à réagir, mollesse) des électeurs. Forcement, avec des électeurs aussi peu responsables, on ne peut rien faire : il faut donc accepter avec fatalisme l'abstention qui est une conséquence naturelle d'une transformation de la société.

Pour Dave Meslin, la cause est ailleurs... et il a même des solutions très pragmatiques à proposer. Selon lui, on peut notamment mettre sur un même plan la publicité commerciale et la publicité pour la démocratie : le résultat est sans appel. Là où nous avons des affiches en 4x3, très claires, où le prix et le lieu pour acheter est immédiatement lisible, pour la démocratie, ce sont de petites achètes A4, en n&b, bardés de références inutiles ... et dont le contenu n'est pas explicite même pour les fonctionnaires qui les ont rédigé !

Je vous invite à regarder cette vidéo de Dave Meslin qui explique cela en 7 minutes (sélectionner le sous-titrage en français au besoin).

Les solutions qu'il propose sont à mettre en place dès que possible... et c'est possible dès maintenant.

Le 14 juillet, une fête militaire

Le 14 juillet, nous fêtons la prise de la bastille en sortant les chars pour un magnifique défilé militaire. En dehors des considérations pacifistes, un peu mises à mal, je me demande pourquoi, ce qui qui est emblématique pour notre république, nous ne fêterions pas plutôt nos institutions ? Et en particulier, le pouvoir du peuple à se gouverner lui-même. Pourquoi ne pas profiter de ce jour pour donner une tribune à tous ceux qui voudraient exprimer des opinions militantes (politiques, associatives) et créer un espace démocratique ?

On garde les feux d'artifices, on peut même garder quelques défilés militaires, on garde le discours du président de la République ... mais on oriente cela en faveur de l'expression démocratique !

Folle idée, peut-être. Néanmoins, on peut voir en Suisse des journées de ce type qui se déroulent dans plusieurs villes. Il m'a également été suggéré lorsque j'étais délégué de liste pour surveiller les bureaux de vote que l'on pourrait offrir un café aux personnes qui viennent voter : non pas en échange de leur vote mais pour créer de la convivialité et que l'acte de vote ne soit pas réduit à un devoir citoyen mais à un moment de citoyenneté partagé !

Comment obliger les gens à voter ?

Déjà ce serait une mauvais idée que de rendre le vote obligatoire : il faut laisser des espaces de contestation et l'abstention fait partie de ce que nous pouvons désigner sous le terme de résistance passive. Néanmoins il est faux de croire que ne pas voter désengage de la responsabilité des choix collectifs : le vote est - de fait - déjà obligatoire car ne pas voter conduit simplement à soutenir la majorité (quelle qu'elle soit).

Et la raison du non-vote n'a parfois rien à voir : changement de domicile non effectué (en particulier chez les jeunes), vacances, emprisonnement (plus de 80% des prisonniers ont le droit de vote mais beaucoup ne le savent pas), mobilité réduite...

Si on ne peut pas forcer les gens à voter, on peut au moins leur faire comprendre les conséquences de leur non-choix. Obliger les élus à communiquer sur des bilans intermédiaires de mandatures + audit indépendant (avec envoi postal comme pour les professions de foi). Proposer aux employeurs d'accorder de la souplesse dans les horaires de travail pour permettre d'allier sa vie professionnelle avec une action militante (associative ou partisane). Etc.

Les solutions pour faire vivre la politique sont globalement très peu coûteuses. Alors qu'on s'accorde à dépenser des millions d'euros pour offrir du faste aux ministres et aux élus de la république, on pourrait, à l'échelle d'une ville accorder un budget pour offrir une mini réception (thé/café/accueil des enfants) tous les mois à l'occasion du conseil municipal. Le résultat serait plus efficace que de grands forums sur la démocratie où l'on cultive avant tout l'entre-soi (journalistes, politiques et étudiants).

Quelle serait la conséquence de prendre en compte le vote blanc ?

Si on accepte d'avouer que pour certaines élections, la majorité représente moins que le vote blanc et l'abstention cumulés, comment prendre en compte le vote blanc et comment faire pour que celui-ci ne soit plus inutile ?

Tout d'abord, donner les résultats électoraux en pourcentage du nombre d'inscrits permettrait d'afficher clairement la couleur sur le soutien ou non pour les différents candidats (il n'y aurait plus de savants calculs à faire en fonction du taux d'abstention / vote blanc). Ensuite, cela n'interdit pas de faire un décompte différent pour connaître les seuils de remboursement et déterminer le vainqueur. L'idée n'est pas de refaire l'élection tant que le vote de sanction est majoritaire, tout le monde sait bien qu'il faut parfois accepter une mauvaise solution plutôt que d'attendre une solution qui plaise à tous mais qui ne vient pas.

Plusieurs options sont quand même possibles. Il pourrait y avoir des élections intermédiaires dans toutes les villes où le vote blanc (hors abstention) serait en tête. Ceci au terme de deux ou trois ans de mandat afin d'obliger les élus à convaincre plus largement mais de ne pas bloquer les institutions. De plus, certaines décisions pourraient être empêchées par un vote trop fortement en faveur du vote blanc (modification constitutionnelle ? Nombre de grands électeurs ?).

Idéalement, si nous avions la possibilité de mettre en place un vote à la proportionnelle intégrale, nous pourrions même envisager de compléter les sièges manquants par un tirage au sort au sein du corps électoral.

Notes:

[1] Pour simplifier, je parle dans ce texte de l'abstention comme incluant les votes blancs. Si on peut accepter que l'abstention ne concerne pas qu'un rejet de la politique, c'est le cas pour une très large partie d'entre eux. Il suffit pour s'en convaincre de sonder les gens dans la rue. De plus, il faut savoir que ceux qui ne disposent pas de leur carte d'électeur (pas inscrits sur les listes) ne sont pas comptés dans l'abstention : l'abstention concerne donc bien des personnes qui ont déjà fait la démarche de vouloir voter mais qui ne le font pas en pratique (ou ne le font qu'à certaines élections).