Combien coûte une prothèse dentaire ?

En 2010, date à laquelle je travaillais encore dans ce secteur, une couronne en céramique (une dent de remplacement, blanche) était vendue en France autour de 60 à 120€ par les prothésistes dentaires. A l'étranger, on trouvait des prix autour de 30€. Au patient, le dentiste vendait la prothèse autour de 300 à 600€. Depuis, ça n'a pas du beaucoup évoluer.

A ces tarifs, s'ajoutent bien entendue la main d’œuvre du dentiste (facturée distinctement). Mais alors pourquoi faire jusqu'à 500% de marge sur un produit que le dentiste ne retravaille pas ? La justification la plus commune, c'est que le dentiste a fait des études dans le domaine médical alors que le prothésiste non, et donc il apporte ainsi sa caution au travail réalisé par un sous traitant "peu qualifié". C'est parfois vrai, mais en réalité c'est un engrenage qui n'est pas au profit du patient car en tirant les prix vers le bas du coté du sous traitant, le dentiste baisse la qualité du produit qu'il vend toujours aussi cher à son patient.

Pourquoi on peut passer de 30 à 120€ pour une prothèse du coté du prothésiste ? Car le niveau d'étude peut varier (par exemple la Faculté des métiers, à Rennes, propose des études jusqu'à bac+2) et surtout, la prothèse est un appareillage important : le design de la prothèse aide à bien assimiler les aliments et une mauvaise prothèse peut entraîner des complications graves pour la santé. Enfin, le coût de la main d’œuvre n'est pas le même à l'étranger.

Le patient est prêt à payer 100€ de plus pour de la qualité

...par contre, si le dentiste maintient une marge de 500%, cela revient cher ! Et on ne peut pas demander au système d'assurance maladie (que ce soit le régime général ou complémentaire) de subventionner ce delta. La première nécessité, et je rejoins ici les propos du ministre, est d'afficher une facture réaliste par rapport aux différents actes médicaux. De plus, l'industrie médicale se mets beaucoup d'argent dans les poches en corrompant les dentistes ("séminaires" à l'étranger, avec de jolies demoiselles en formatrices, de jolies lieux de formations, et des cadeaux sans rapports avec l'objectif de santé).

Au revers de tout cela, il est à soupçonner les lobbies de l'industrie paramédicale voulant augmenter leurs tarifications, tout en reversant des dessous de tables au prescripteur-dentiste sous la forme de cadeaux déguisés. Ce sont eux qui sont en mesure de faire pression sur le gouvernement pour que cet affichage soit plus transparent (ironique quand on connaît leurs pratiques par ailleurs). En affichant le tarif réel, le dentiste sera incité à payer plus cher pour la prothèse. L'industriel qui facturera le produit pourra lui reverser des ristournes en fin d'années qui ne seront pas connues du patient.

Est-ce pour autant qu'il faut aller vers plus de déremboursement ?

C'est là que s'arrêtera mon soutient au ministre de l'économie. Il n'est pas ministre de la santé, et ce n'est là que la face visible du problème. A l'instar de ce qui a été fait pour la famille, et ce qui se profil pour le système social en général, on nivelle par le bas. Autant, on serait apte à comprendre des rééquilibrages ... mais un rééquilibrage suppose qu'on diminue certains niveaux pour en augmenter d'autres. Si on ne fait que diminuer ceux qui sont trop haut sans augmenter ceux qui sont trop bas, on ne fait finalement que trouver de bons prétextes pour toucher au système social.

Pour autant :

  1. Tous les dentistes ne sont pas à mettre dans le même panier, et ces marges effarantes sur le produit cachent parfois (heureusement) une sous facturation de la main d’œuvre, des investissements et de la formation ;
  2. Une marche technologique se pose devant le monde du dentaire et l'objectif social n'est pas de diminuer le coût de la prothèse mais d'en augmenter l'efficacité en terme de qualité, de transparence en terme de répartition des marges et de santé en terme d'accès pour tous aux soin ;
  3. Il y a une main-mise des industries paramédicales sur ce secteur et il faut permettre à la filière de de s'en affranchir pour ne pas céder un nouveau secteur médical aux labos.

Le ministère de la santé est-il un sous secrétariat du ministère de l'économie ?

De fait, on peut alors se demander si la Présidence n'a pas décidé de transformer tous les différents ministères en leur seule composante économique. Aux noms d'économies numéraires affichées, nous bradons de plus en plus l'efficacité de nos différentes attributions sociétales dévolues au gouvernement, ce qui va nous coûter très cher à court et moyen terme (car le système social est vitale pour notre société). Au lieu de travailler à rééquilibrer les budgets des différentes composantes de la santé comme ce devrait être la mission de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé, du droit des femmes (et de tout ce qui n'intéresse pas vraiment le gouvernement Valls II), c'est M. Macron, Ministre de la seule affaire importante, qui va réformer le remboursement de la filière dentaire.

Je peux d'or et déjà vous prédire que le remboursement des futures dents en or de M. Macron n'en sera pas affecté. Par contre la couronne de base du quidam qui travaille pour payer impôts, TVA, système de santé, etc, elle va coûter de moins en moins cher à l’État, et perdre peu à peu de sa fonction médicale (dent sans relief, avec des matériaux de basse qualité, réalisée à l'étranger ou par de gros industriels européens). Cela nous coûtera cher car une mauvaise hygiène dentaire provoque des problèmes au cœur notamment, et le coût médical des soins à ce niveau est bien plus élevé encore (à moins qu'on décide aussi du déremboursement ...).