Ne culpabilisons pas les abstentionnistes

Les élus - de tous bords - ont mis le paquet pour faire regretter aux électeurs d'aller voter. Pour rappel, il faut être inscrit sur les listes pour avoir le droit de voter. C'est donc une démarche volontaire... que plus d'un électeur sur deux[1] a fait pour finalement ne pas aller voter.

Pour François de Rugy, c'est parce qu'ils n'ont pas le sens civique. Pour moi, c'est parce qu'ils ne font plus confiance au système politique. Et (pour une partie au moins), à notre démocratie.

C'est une crise de confiance qu'on pourrait imputer à Internet (si on était tordu...) : plus on a d'information sur des scandales politiques, sur la corruption, sur les intérêts particuliers qui priment sur l'intérêt général, plus cette confiance baisse. Certes, sans Internet, il suffirait d'interdire d'en parler (toujours lutter contre les symptômes). 

Les citoyens tiennent à la démocratie mais ce n'est pas de la démocratie de voter pour des candidats qui sont les mêmes d'une élection à l'autre, qui briguent la fonction de conseiller départemental pour remplir les poches (les compétences du département sont réduites à une peau de chagrin, pas les indemnités), qui ont pour un nombre significatif, de nombreuses condamnations judiciaires à leur actif, etc.

Oui, certains ne sont pas tout ça mais ils ne disposent pas des mêmes moyens (en temps, en argent... et dans la conception morale de leurs actes et promesses). Et pour certains, c'est simplement que l'occasion leur a manqué d'être malhonnête.

Sur ma circonscription, ce sont deux cumulards de profession qui sont favoris. Leur programme consiste à dire que si 100% des habitants ont accès à l'eau potable, c'est un peu grâce à eux. Au moins, ça provoque un débat politique de qualité entre ceux qui veulent réduire l'accès à l'eau potable et ceux qui veulent du rouge-qui-tâche pour chaque habitant ! -Sic- Personnellement, j'aurais préféré un point qui parle de l'esprit républicain, de la démocratie, du vivre ensemble...

Il faudrait obliger les électeurs à aller mettre un bulletin dans l'urne ? Pour voter quoi ? Même le bulletin blanc leur est refusé.

Le contexte des élections départementales

Le gouvernement s'est débrouillé pour faire de ces élections des échecs cuisants :

  • Le nom de l'élection a changé : nous votions dans des cantons à des élections cantonales pour le conseil général, désormais, nous voterons toujours dans des cantons (mais pas les mêmes), pour les élections départementales au conseil départemental (ça, c'était la partie simple).
  • Les élections ont été repoussées plusieurs fois : compliqué de s'y retrouver car entre les premières dates annoncées et la date retenue il y a près d'un an, et il a été plusieurs fois question d'une suppression pure et simple
  • Alors que les élections cantonales se tenaient le même jour que les élections régionales (pour augmenter la participation), voilà qu'il est décidé de séparer les deux dates de 6 mois (élections régionales en décembre... quoiqu'il est possible que ce soit en octobre... ou en novembre... enfin ça dépend des jours)
  • Durant 2013 et 2014, plusieurs déclarations ont été faites par une majorité de politique de gauche et de droite pour dire que les départements étaient inutiles, qu'ils coûtaient trop cher et de nombreuses compétences clefs leur ont été retirée.
  • Encore actuellement alors que la campagne est commencée, des débats se déroulent à l'Assemblée Nationale pour restreindre encore ces compétences.

Résultats : peu savent pour quoi ils doivent aller voter. Le nom de l'élection ? Qui sont les candidats ? Leur programme ? La date des élections ? (elles se tiendront les 22 et 29 mars 2015). Bref, un effort aurait pu être fait...

Finalement, à part être une occasion de dire "STOP ou ENCORE", cette élection est un flou phénoménal. Sans étonnement, ce sont les plus populistes qui en tirent profit (ce sont ceux qui ont le moins de difficulté à gérer l'absence de programme et qui n'ont heureusement pas de bilan à défendre).

Et on fait quoi alors ?

On arrête de parler de l'abstention comme la source du mal. L'abstention est une conséquence. Par contre, on peut voter des lois contre la corruption (les propositions ne manquent pas... juste la volonté politique de les soumettre au vote) :

  • encourager la participation des citoyens dans des cadres novateurs (si l'objectif est d'entendre ce que les abstentionnistes veulent dire, osons créer des instances de consultations qui leur conviennent),
  • interdisons (fermement) le cumul des mandats,
  • appliquons des efforts budgétaires y compris sur les élus de la République et leurs avantages en nature désuets,
  • informons les citoyens sur les documents de nature publics afin qu'ils puissent avoir une bonne compréhension des sujets politiques (aller au-delà de la loi CADA en permettant d'exiger la transmission de documents d'étapes sur certaines décisions en cours et avoir une transparence systématique et non uniquement sur demande),
  • on revient à des mots simples pour parler des différentes politiques menées (on utilise des mots du dictionnaire).
    La novlangue comme "TVA sociale" (qui aide les pauvres gens ?), "vidéoprotection" (qui protège avec ses petits bras ?), "redressement productif" (c'est moins douloureux ?), "ouverture du capital" (ouvert à qui ?), "pacte de compétitivité" (il engage qui ce pacte ?). Pour Philip K. Dick, la réalité, est ce qui continue d'exister lorsqu'on cesse d'y croire. La réciproque est vraie aussi : une fois le beau rêve transformé en réalité, difficile d'y croire encore...

Bref, la politique, ça doit être un feuilleton mais pas de la série B. Exigeons une politique ouverte et de qualité avec des élus cohérents entre leurs paroles et leurs actes (ou mieux : irréprochables).


Les 22 et 29 mars 2015 j'irai voter (je me suis même présenté une fois à une élection, c'est pour dire combien il en faut pour abattre ma foi en l'humanité) mais c'est un choix personnel et je crains trop la dictature pour forcer les citoyens à voter.

Notes:

[1] 60% c'est le chiffre annoncé de l'abstention pour les élections départementales. En général, c'est 50%.